La coupe est pleine Videla ! Le Mundial 1978 entre politisation et dépolitisation

Jean-Gabriel Contamin, Olivier Le Noé

Dans Le Mouvement Social 2010/1 (n° 230), pages https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2010-1-page-27.htm#re51no5127 à 46

Argentina’ 78, souvenirs d’enfance : la pelouse du stade de River Plate couverte de la neige des papelitos ; les buts de Mario Kempes… Une vision enchantée du football reste accolée au souvenir du Mundial 1978. Pourtant, quand on dépouille la presse de l’époque, on constate que celui-ci fut aussi exceptionnel par tout le travail de mobilisation dont il fut l’objet, en France notamment, contre son utilisation par la junte militaire qui avait hérité de son organisation.

Du coup d’État à la coupe d’État : le football comme objet de rhétorique politique

De fait, le 24 mars 1976, une junte composée des trois commandants en chef des forces armées prend le pouvoir en Argentine[1].

. Elle succède au gouvernement d’Isabel Perón, veuve du général du même nom, qui avait tenté en vain de restaurer la dévotion au « justicialisme » expérimenté dans son pays au sortir de la guerre en conjuguant autoritarisme, populisme et avancées sociales. Après le Brésil en 1964, la Bolivie en 1971, le Chili et l’Uruguay en 1973, l’Argentine bascule à son tour dans l’ère des régimes autoritaires. Transformant chaque citoyen en suspect, complice actif ou passif de la subversion, le nouveau chef de l’État, Jorge Rafael Videla, instaure une législation d’exception, qui abolit toute protection juridique minimale ainsi que les libertés civiques fondamentales[2].

. Toutefois il entend se saisir de l’événement constitué par la coupe du monde de football pour transformer l’image internationale du régime. Une grande agence de publicité américaine, la Burston-Marsteller, est même mise à contribution pour un montant de 1,1 million de dollars afin d’optimiser « les risques et les opportunités d’une telle perspective [qui] sont évidents »[3].

Cette opportunité s’avère toutefois d’autant plus facilement réversible qu’une partie de l’opinion internationale est déjà sensibilisée à la question de la violation des droits de l’homme dans le cône sud-américain. Des groupes se constituent un peu partout en Europe[4].

pour faire de cet événement l’occasion de dénoncer les exactions de la junte argentine : d’abord dans des pays dont l’équipe nationale participe à la phase finale (Suède, Espagne, Pays-Bas, Italie, République Fédérale d’Allemagne, Autriche), ensuite dans des nations non qualifiées comme Israël, le Danemark, la Grande-Bretagne, l’Irlande, l’Islande, le Portugal, la Suisse ou encore la Belgique où l’on se mobilise par exemple autour du COBRA (Comité Belge contre la Répression en Argentine). En France, même si on tend à présenter Marek Halter comme l’instigateur du mouvement[5] , ce sont en réalité quelques militants en faveur des droits de l’homme en Argentine, rassemblés depuis 1975 au sein du Comité de Soutien aux Luttes du Peuple Argentin (CSLPA), qui appellent, dès avant la qualification de la France pour la phase finale de la coupe du monde, au boycott de cet événement. Surtout, ils sont à l’origine de la constitution le 17 décembre 1977 du COBA, comité pour le boycott de l’organisation par l’Argentine de la coupe du monde de football, dont le succès est rapide et incontestable : l’appel au boycott recueille plus de 150 000 signatures, dont celles de personnalités aussi diverses que Louis Aragon, Roland Barthes, Bertrand Tavernier, Jean Lacouture, Marguerite Duras ou Yves Montand ; 200 COBA locaux se constituent sur le territoire français ; les numéros 3 et 4 du journal L’Epique réalisés par le COBA sont vendus à plus de 120 000 exemplaires.

Du reste, même si la capitale compte une trentaine de groupements de quartier ou d’arrondissement, le COBA ne se résume pas à une expression parisienne : la mobilisation est relayée grâce à l’essaimage des comités en province. Les foyers locaux d’expression de la mobilisation sont variés. Les actions au sein ou aux abords des lycées sont conçues « en vue de l’intervention vers la jeunesse scolarisée et les associations de jeunesse »[6]. Ces initiatives, développées à partir d’un « débat-information Mundial 78 », qui se tient mi-février à Paris, visent la création et la coordination de comités lycéens – et même collégiens – en plus des étudiants. En outre, les matches de football, quel que soit le niveau des rencontres, deviennent de potentielles tribunes d’expression de la contestation favorable au boycott qui utilisent le même répertoire d’action que dans les lycées : distribution de tracts, diffusion de pétitions, vente du pastiche L’Epique. Enfin, les manifestations constituent des temps forts du mouvement. Les grandes villes régionales en sont le théâtre tout au long du mois de mai 1978 : Lyon, Grenoble, Bordeaux, Nantes, Dijon. La plus importante d’entre elles se déroule à Paris, le 31 mai : 8 000 personnes y prennent part.

Cette réussite inattendue rend cet épisode particulièrement révélateur puisque des protagonistes issus de milieux très diversifiés – sportifs, intellectuels, militants politiques et syndicaux, journalistes – se trouvent mis en demeure de se positionner, d’abord, quant à l’opportunité de l’organisation de la coupe du monde par l’Argentine, mais aussi, plus généralement, quant à l’articulation à leurs yeux légitime des ordres sportif et politique.

Depuis l’ouvrage fondateur de Jean Meynaud[7], un ensemble de travaux ont permis d’approfondir les relations entre sport et politique. Toutefois ils ont porté, pour l’essentiel, sur la manière dont les pouvoirs publics instrumentalisent le sport sur le plan national[8] ou international[9], sur les effets politiques propres du développement des activités sportives[10], ou sur le positionnement des autorités sportives à l’égard du politique[11]. Rares sont les recherches qui tiennent compte de la contribution des professionnels du sport (les enseignants et les athlètes eux-mêmes) à la politisation ou à la dépolitisation du sport. De même, les imbrications entre tous ceux qui participent à la définition des frontières entre sport et politique demeurent largement inexplorées. Ce sont précisément ces angles morts que l’épisode de la tentative de boycott du Mundial argentin permet d’éclairer.

En l’occurrence, l’espace des prises de position sur les relations entre sport et politique cristallisé à cette occasion, tel qu’on peut l’appréhender à partir de sources variées – consultation d’archives[12] complétée et recoupée par un dépouillement de la presse de l’automne 1977 à l’été 1978, entretiens avec les principaux protagonistes de la contestation[13] –, se révèle plus complexe qu’on aurait pu l’escompter. Certes, un clivage irréductible oppose ceux qui considèrent que le sport doit être préservé de toute appropriation politique (stratégie de cloisonnement de l’arène sportive) à ceux qui suggèrent que sport et politique ne sauraient être totalement dissociés (stratégie de décloisonnement). Toutefois cette distinction ne recouvre pas celle qui sépare les partisans et les opposants du boycott.

Entre cloisonnement et décloisonnement, entre refus du boycott et appel au boycott, on en vient ainsi à isoler différentes manières idéales-typiques d’articuler football et politique, qu’on peut rapporter à des locuteurs eux-mêmes différenciés, dont les prises de position ne prennent sens qu’en les rapprochant de leur position dans leurs espaces socio-professionnels respectifs (mondes sportif, politique, syndical, journalistique, intellectuel). En ce sens, il s’agit aussi, au travers de l’exemple du Mundial argentin, de montrer en quoi la frontière entre sport et politique ne saurait être pensée autrement que comme un construit social, résultante d’un ensemble d’investissements qui tiennent à des logiques, des univers et des enjeux variés, pour partie autonomes et contradictoires, et dont la représentation finalement dominante n’est jamais fixée à l’avance. La démarcation entre politisation et dépolitisation est une ressource pour les acteurs plutôt qu’une donnée stabilisée qui s’impose à eux.

Les logiques de neutralisation politique du Mundial

 « Nous n’allons pas en Argentine à la rencontre d’un régime, mais d’un peuple […]. Nous ne sommes pas des professionnels de la politique ».

(Michel Hidalgo, sélectionneur de l’équipe de France, Le Monde, 24 mai 1978)

« Le peuple argentin en lutte nous demande d’apporter un soutien politique au combat qu’il mène contre le complot qui, au sein même de l’armée et du gouvernement, tend à faire sombrer le pays dans le fascisme. Il craint par-dessus tout l’isolement et l’oubli […]. Dans ces conditions, proposer le boycottage du Mundial relève de l’irresponsabilité ou de la manœuvre ».

(Guy Hermier, responsable sport du Parti communiste français, L’Humanité, 12 janvier 1978)

Deux argumentaires opposés dans leur façon de présenter les rapports entre football et politique, l’un insistant sur la nécessité de les rapporter à deux ordres séparés tandis que l’autre les mêle de manière inextricable. Mais deux argumentaires qui débouchent pourtant sur une conclusion commune : l’idée que l’équipe de France de football doit aller en Argentine pour y disputer la phase finale du Mundial 1978.

Là où on aurait pu penser ne trouver qu’un discours de dénonciation unilatérale de la politisation des valeurs sportives, on assiste en effet à l’occasion de la polémique engendrée par l’appel au boycott de la coupe du monde en Argentine à la construction d’un double registre de légitimation de la participation de l’équipe de France, auquel ne recourent pas exactement les mêmes acteurs dans les mêmes configurations, mais dans lequel chacun des partisans de cette position finit par puiser à un moment ou à un autre. Au souci explicite de neutraliser l’événement au nom d’un cloisonnement de principe entre les logiques sportive et politique répond une prise en compte théorique de l’entremêlement entre ces deux logiques qui se traduit pourtant pratiquement, pour l’essentiel, en un même cloisonnement et une même neutralisation des enjeux. Au refus explicite et de principe de l’engagement répond un « art » de s’engager sans s’engager.

Le refus du boycott au nom du cloisonnement

« Moi, je suis un professionnel du foot, pas un politique. Qu’on ne me demande pas de mélanger les deux »

(Jean-Paul Bertrand-Demanes, Le Nouvel Observateur, 29 mai 1978).

« Nous allons en Argentine pour jouer au foot, pas pour mener une action politique »

(Dominique Bathenay, Le Nouvel Observateur, 29 mai 1978).

On pourrait ainsi multiplier les citations de membres de l’équipe de France de football qui, sous des formes diverses, en arrivent, dans la polémique de 1978, à opposer sport et politique et à se distancier de ceux qui, par l’appel au boycott, tendraient à confondre les deux. Selon Michel Hidalgo, « dans cette affaire de boycottage, on cherche à nous faire adopter les règles du monde politique : celles qui divisent, alors que nous les sportifs, nous unissons » (Le Nouvel Observateur, 29 mai 1978).

Cette manière de refuser le boycott au nom d’une association entre sport et apolitisme n’est toutefois pas propre aux seuls sportifs. On en trouve la trace dans les propos de journalistes sportifs et d’éditorialistes plutôt marqués à droite : Jean Laborde (L’Aurore, 12 mai 1978) s’oppose ainsi aux boycotteurs en affirmant que lorsque la politique « pénètre sur un stade, le sport se tire à toutes jambes ». On la retrouve même dans l’argumentaire de certains membres du gouvernement : Jean-Pierre Soisson, ministre de la Jeunesse et des Sports, déclare ainsi qu’« il faut que la coupe du monde conserve le seul caractère qu’elle doit avoir, celui d’une manifestation sportive » (AFP, 16 mai 1978).

Plus largement, cela semble être un cliché assez répandu pour que Le Figaro (2 juin 1978) en fasse le support d’un sondage ad hoc au regard duquel on pourrait conclure que « la France a raison de jouer le Mundial » : 78 % des personnes interrogées se disent plus d’accord avec l’idée que « le sport n’a rien à voir avec la politique et l’équipe de France de football doit aller disputer la coupe du monde en Argentine quel qu’y soit le régime politique » qu’avec celle selon laquelle « l’équipe de France de football aurait dû renoncer à aller en Argentine plutôt que de paraître approuver un régime non démocratique ». Comme le résume le commentaire associé au sondage, « une sorte d’unanimité se dégage de l’enquête : hommes et femmes, jeunes et vieux, de toutes obédiences politiques refusent aujourd’hui de faire un amalgame entre le sport et la politique »[14].

Pourtant, même dans les arguments avancés par les tenants de cet apolitisme sportif, la frontière entre ces deux ordres ne semble pas toujours si évidente.

Certains la fondent plus ou moins explicitement sur les valeurs opposées auxquelles correspondraient ces deux univers. Selon Michel Hidalgo, « les pays qui se font la guerre ailleurs se réunissent dans le jeu, dans l’effort et dans la considération de l’autre. Nos règles, je le crois, sont supérieures à celles du monde politique. Nous sommes des messagers de la fraternité et on voudrait détruire en nous cette vertu » (Le Nouvel Observateur, 29 mai 1978).

Certains la fondent très matériellement sur l’omission des enjeux politiques de l’événement ou sur leur subordination à d’autres enjeux présentés comme plus essentiels. Interviewé sur cette question par Antenne 2 (12 janvier 1978), Yves Guéna (RPR [parti de droite aujourd’hui « Les Républicains »]) rétorque par exemple : « C’est vrai, il y a des problèmes en Argentine. Il faudra veiller à ce que la sécurité de nos joueurs soit assurée ». Quant à Fernand Sastre, président de la Fédération Française de Football, interrogé sur la coupe du monde à venir (L’Humanité, 25 mai 1978), il commence par rapidement repousser la question politique pour des questions pratiques – le lieu d’une coupe du monde doit être connu très longtemps à l’avance et la FIFA ne pouvait modifier au dernier moment le lieu de cette Coupe –, pour en revenir ensuite à l’importance des valeurs sportives – « C’eût été supprimer l’un des derniers rassemblements sportifs internationaux » – et se focaliser sur les seuls enjeux sportifs : ce qui l’a « choqué », c’est « la trop grande préparation du tirage au sort », ce qui « n’est ni bon, ni sain sur le plan sportif » !

Certains, enfin, la fondent sur la dénonciation de la politisation dont serait l’objet cette coupe du monde de la part de ceux qui appellent au boycott. Patrick Wajsman (Le Figaro, 2 juin 1978) fustige ainsi les « intellectuels parisiens »,
« tous ceux, à gauche, qui cherchent à […] réaliser une opération d’inspiration politicienne ». Comme le conclut Jean Laborde (L’Aurore, 12 mai 1978),
« De grâce, pour ce Mundial, que la politique fasse sa mi-temps ! ». C’est donc la politique qui devrait s’inspirer des valeurs supposées portées par le sport[15].

Pourtant cette mise en cause de la politisation du Mundial ne va pas sans ambiguïté puisque, devant l’ampleur de la polémique, les partisans de cette position se trouvent contraints d’user d’arguments d’opportunité qui sont déjà autant de manières de faire entrer le politique dans le football.

Ainsi, certains s’inquiètent de la spécificité du cas argentin à l’égard d’autres cas et des risques dès lors induits par le boycott du Mundial. Jean Laborde (L’Aurore, 12 mai 1978) s’interroge par exemple sur les critères à utiliser pour définir les pays boycottables et en conclut qu’ « un jour viendra peut-être où le seul pays qui aura le droit d’organiser des tournois mondiaux sera la Suisse ; et encore ». Or poser cette question, n’est-ce pas implicitement admettre que, dans certaines situations, le boycott pourrait être légitime ?

D’autres en viennent à questionner non pas tant le boycott lui-même que son efficacité. Ainsi, Jacques Ferran (L’Équipe, 13 décembre 1977) se demande
« de quelle manière ce boycottage servirait la cause qu’il prétend défendre » et redoute que « furieux de cet embargo sportif, [le gouvernement argentin] ne se ferme et ne se durcisse davantage ». Il ne s’agit dès lors plus tant de dissocier politique et football que de s’interroger sur les biais par lesquels l’événement footballistique pourrait être mis au service d’une cause politique. Il appelle du reste finalement les participants à la coupe du monde à s’efforcer, « en échange de leur participation, d’obtenir des autorités argentines certains adoucissements, certains gestes d’apaisement et d’humanité ».

Toutefois cette acceptation théorique d’un mélange entre football et politique se traduit in fine en un cloisonnement pratique entre eux.

Le refus du boycott au nom des alternatives politiques : de l’engagement différé et délégué au non-engagement

Selon cet argumentaire, en effet, football et politique peuvent être – voire sont – nécessairement mêlés. C’est seulement le mode d’action, le boycott, qui est mis en cause. Les alternatives proposées sont alors caractérisées par deux traits. Soit elles ne prennent pour cible que l’opinion publique française, qu’il s’agit de sensibiliser dans une perspective de « mobilisation du consensus » sur le long terme plutôt que de « mobilisation pour l’action » de court terme [16]. Soit elles chargent d’autres entités – le gouvernement, les journalistes, les sportifs – d’agir sur le terrain dans une optique différée. Autrement dit, ceux qui refusent tout à la fois l’apolitisme sportif et l’appel au boycott immédiat le font pour partie selon une logique de délégation différée.

La position officielle de la CFDT est à cet égard symptomatique puisque, sollicité par le COBA, Jean Bourhis, secrétaire confédéral, présente la position de la commission exécutive de la CFDT en trois points[17]. D’abord, la reconnaissance du « caractère scandaleux du déroulement d’une grande manifestation sportive internationale dans un pays de dictature et de répression sanglante », c’est-à-dire du mélange entre football et politique. Ensuite, la contestation du type d’action envisagé : la commission « estime tout à fait irréaliste de s’engager dans une campagne pour un tel boycott ». Enfin, la proposition d’autres modes d’intervention politique au sein de cet événement sportif : profiter « de cette manifestation sportive pour dénoncer avec plus de vigueur les disparitions, les enlèvements, les tortures, les assassinats et pour affirmer la solidarité de la CFDT et de ses adhérents avec la lutte intérieure et extérieure de l’opposition syndicale et politique en Argentine, pour la liberté, la démocratie, les droits de l’homme ».

C’est ce mode d’argumentation autour duquel se rassemblent peu ou prou les formations politiques et syndicales de la gauche de gouvernement comme certains représentants de la droite parlementaire, et même la plupart des exilés argentins en France[18].

D’un côté, gauches communiste et socialiste se refusent à l’appel au boycott. Le PCF et la CGT immédiatement. Les socialistes, après quelques atermoiements initiaux[19]. Si Lionel Jospin, membre du secrétariat national du Parti socialiste, déclare, tout en nuances, que « le problème n’est certainement pas de boycotter la coupe du monde. Il s’agit de savoir s’il faut boycotter l’Argentine […]. Il faut jouer la coupe du monde si possible ailleurs qu’en Argentine » (Le Matin, 23 décembre 1977), tandis que les Jeunesses socialistes lancent une pétition pour demander le changement du lieu de la coupe du monde (Le Matin, 31 janvier 1978), François Mitterrand tranche le 17 février 1978, en affirmant que « les dés sont jetés. Maintenant il faut y aller. Il n’est pas question de priver l’équipe de France de sa qualification ». De l’autre côté, Bernard Stasi, vice-président de l’Assemblée Nationale et porte-parole du Centre des démocrates sociaux, renvoie dos à dos ceux qui disent « qu’il ne faut pas mêler le sport et la politique » et ceux qui appellent au boycott, en choisissant plutôt de se servir « de la coupe du monde comme d’une caisse de résonance qui portera les cris plus loin et plus haut » (Le Monde, 20 mai 1978).

Ce positionnement se déploie dès lors, invariablement, autour de trois arguments principaux.

On souligne d’abord, comme les partisans de l’apolitisme, la spécificité toute relative du cas argentin. C’est par exemple Georges Marchais, secrétaire général du PCF, qui distingue la situation de l’Afrique du Sud et des « pays racistes » – « Je n’accepte pas la discrimination raciale. Par conséquent, si la prochaine coupe du monde devait se dérouler en Afrique du Sud, je dirais non » – et la question de l’Argentine et des « pays où les libertés sont muselées ou menacées » (L’Humanité, 18 novembre 1977 et Avant-garde, 1er mars 1978).

On s’interroge ensuite sur l’impact d’un tel mode d’action sur le régime argentin en soulignant, notamment, qu’aux yeux mêmes des opposants argentins il ne s’agirait pas de la meilleure solution. C’est l’Union régionale parisienne CFDT qui, dans un numéro spécial de son bulletin consacré à l’Argentine, indique que « de nombreuses organisations se préoccupant des problèmes de l’Amérique Latine […] estiment qu’il y a lieu de saisir cette occasion pour sensibiliser les travailleurs, dénoncer le régime militaire en place, informer largement l’opinion publique de ce qui se passe dans leur pays, mais aussi dans toute l’Amérique du Sud » [20]

Dès lors, dans un troisième temps, les tenants de ce positionnement proposent d’autres modes d’intervention politique au sein du Mundial. Ainsi le bureau exécutif du PS, qui estime que la France ne saurait envoyer l’équipe nationale « sans condition » et appelle donc le gouvernement à « demander fermement au gouvernement argentin la libération des prisonniers politiques argentins » (Le Monde, 13 mai 1978). Ainsi, surtout, ces très nombreuses organisations syndicales qui, tout en ne souscrivant pas au mot d’ordre de boycott, s’adressent au COBA pour lui annoncer qu’elles « exploiteront l’événement pour dénoncer avec davantage de vigueur ce qui se passe en Argentine » (Union interprofessionnelle CFDT Roubaix-Tourcoing, 17 mars 1978)[21]

Ce registre argumentatif, on l’a compris, fait dès lors peser sur certaines catégories d’acteurs, et d’abord sur les sportifs eux-mêmes, l’essentiel de la charge de l’alternative[22]. Ceux-ci se trouvent ainsi dans la difficile situation d’être tout à la fois parmi les cibles principales des boycotteurs et les principaux porteurs de l’espoir des anti-boycotteurs, alors même qu’un ensemble de caractéristiques rendent particulièrement difficile une mobilisation politique de leur part.

Des caractéristiques propres au monde sportif, d’abord. Il s’agit d’un milieu relativement apolitique pour des raisons historiques[23], professionnelles[24] et sociologiques[25] : un certain hiatus entre des origines sociales plutôt populaires et une situation économique plutôt favorable ainsi qu’un certain manque de « compétences statutaires »[26]  se traduit par une illégitimité
a priori de la prise de parole politique. Des caractéristiques propres à la configuration spécifique de ce boycott, ensuite : en cette occasion, on demande en effet aux membres d’un espace social de sacrifier à des enjeux externes à cet espace ce qui constitue précisément le trophée le plus essentiel dans celui-ci, à savoir la participation à une phase finale de la coupe du monde. Comme le résume Michel Platini, « ceux qui demandent de ne pas y aller ne sont pas sérieux. On pourrait imaginer n’importe quoi, sauf le boycottage. Ça fait quatre ans qu’on s’y prépare […]. La France n’est plus sélectionnée depuis douze ans. Cette fois, nous sommes enfin sélectionnés. Il y en a qui nous demandent de ne pas y aller. Ca ne va pas, non ? […] J’irais à la nage à Buenos Aires » (Le Nouvel Observateur, 29 mai 1978).

Le paradoxe de l’action collective [27] semble ici atteindre une forme de paroxysme. On est appelé à « tout » donner – ou, en tout cas, l’essentiel du point de vue de l’espace socio-professionnel auquel on appartient – pour un résultat qui peut sembler limité : l’événement a toutes chances de se dérouler sans soi. Dennis Chong[28] notait que le boycott est un de ces modes d’action qui ne permettent guère la défection : la participation de chacun au boycott est indispensable à la réussite de la mobilisation. En cela, ce mode d’action est pour une part moins soumis au paradoxe de l’action collective – puisque la contribution marginale de chaque participant est maximale – et plus soumis à ce paradoxe : parce que la croyance dans la probabilité que tout le monde y souscrive est d’autant plus faible.

Il n’est dès lors guère étonnant que, comme on l’a suggéré, la plupart des sélectionnés français en restent au registre de l’apolitisme. Certains, toutefois, sans souscrire à la thématique du boycott[29], se rallient au registre de l’alternative. C’est l’argumentaire dont Michel Hidalgo tend progressivement à se rapprocher en déclarant qu’il s’efforcera d’obtenir des nouvelles des
22 Français détenus ou disparus en Argentine (Le Monde, 24 mai 1978). C’est surtout la position que rejoint un petit groupe de joueurs autour de Jean-Marc Guillou et Dominique Rocheteau. Celui-ci[30] raconte ainsi a posteriori un cheminement personnel qui correspond en tout point à cette quête d’alternative : le refus a priori de l’apolitisme sportif au nom de convictions politiques explicites[31] ; le refus du boycott du fait de sa supposée inefficience ; enfin, la quête de modes d’action alternatifs supposés plus efficaces : « Je suis convaincu de la nécessité d’agir, d’une manière ou d’une autre, pour déclencher une prise de conscience collective […]. Sous quelle forme ? Je ne le sais pas encore […]. Quelqu’un a suggéré de porter un brassard noir à l’occasion du premier match pour manifester notre désapprobation à l’égard du régime. Pourquoi pas ? ».

Ce récit a cette vertu supplémentaire de souligner les difficultés auxquelles se heurtent finalement les tenants sportifs de l’alternative au boycott. D’abord, les réticences au sein du monde sportif lui-même. Rocheteau rappelle que ses prises de position ne sont « pas du goût de tout le monde », alors même qu’« il n’est pas question de jouer les francs-tireurs et de casser la solidarité du groupe. Si nous menons une action, elle doit être collective ». À l’époque, il fait d’ailleurs part de sa peur que cela lui porte préjudice et de se faire « flinguer » [32]. À ces réticences s’ajoute ensuite la pression de l’événement et de la logique sportive : lorsque, 48 heures avant le premier match de l’équipe de France, Bernard-Henri Lévy organise une rencontre avec l’ensemble des joueurs pour discuter des moyens d’agir, ils ne sont déjà plus que quatre à participer ; le jour dudit match, seul l’un d’eux est sur le terrain, si bien que l’idée de porter un brassard est abandonnée. Dans la suite du récit, le volet politique est finalement délaissé au profit des seuls aspects sportifs : les « malgré nous » du Mundial demeureront sans voix.

Au final, à l’occasion de ce Mundial, outre quelques déclarations individuelles isolées[33], seuls les joueurs suédois et néerlandais se signalent par un geste politique collectif : les uns en allant à la rencontre des « folles de la place de mai », les autres en refusant d’aller chercher la médaille des finalistes et de participer au banquet de clôture pour ne pas avoir à serrer la main du général Videla[34]. Le bilan des partisans de l’alternative politique semble donc de ce point de vue assez mince. Comme le résument abruptement les membres du COBA[35] : « Qu’est-ce que les joueurs et les dirigeants de la délégation française ont pu faire et obtenir en Argentine ? Une liste de Français prisonniers ou disparus, déjà connue, et fournie par l’ambassade de France à Buenos-Aires. RIEN […]. Qu’ont vu les visiteurs étrangers, de quoi ont-ils pu témoigner, sur quoi l’information du Mundial a-t-elle porté ? […] L’information s’est concentrée sur la perfection technique de l’organisation et le confort de l’accueil ».

On aurait beau jeu dès lors de stigmatiser la duplicité d’une forme d’engagement délégué et différé qui se traduit concrètement en une quasi absence d’action concrète. Le refus du boycott, tant par le PCF que par le PS, ne saurait par exemple être isolé d’une conjoncture marquée par des élections législatives en 1978 et par la perspective des Jeux Olympiques de Moscou en 1980. Sans doute, certains n’usent-ils de ces arguments que dans le but de faire taire les appels au boycott et sans croire à la possibilité réelle – voire à la nécessité réelle – d’agir autrement. On suivra toutefois Jacques Defrance[36] dans l’idée qu’il ne s’agit pas pour le chercheur de « réduire à néant [l’argumentaire plus ou moins apolitique affiché par les anti-boycott] en montrant qu’il se double de prises de positions politiques implicites, parallèles et inavouées, ou qu’il remplit des fonctions politiques inaperçues », mais simplement de prendre acte de la diversité des modes d’articulation entre football et politique considérés comme assez légitimes pour être défendus dans l’espace public dans une configuration donnée.

De ce point de vue, ce qui transparaît, c’est un double mouvement de décloisonnement et de recloisonnement des espaces sportif et politique. Décloisonnement dans un premier temps, dans la mesure où « le premier argument : il ne faut pas mélanger le sport et la politique, s’est progressivement éteint de lui-même, tant la nature politique de l’événement était évidente »[37]. Le second registre tend alors à supplanter le premier.

Recloisonnement dans un second temps, dans la mesure où la proximité de l’événement rend de plus en plus difficile et inaudible une action de protestation. Comme le note après coup le COBA, « dès le 1er juin, la folie du ballon a pratiquement tout submergé », interdisant toute voix dissonante (Libération, 5 juillet 1978). Le cloisonnement entre politique et football, à l’origine stratégie argumentative, en vient à s’imposer comme un effet de contexte, l’impossibilité d’agir découlant progressivement du choix de n’agir que plus tard. La contrainte d’apolitisme, un temps desserrée, s’impose à nouveau quand l’événement approche.

Les frontières entre football et politique, loin d’être fixées une fois pour toutes, ne cessent donc de faire l’objet de débats théoriques et pratiques du côté de ceux qui refusent le boycott. Or, paradoxalement, c’est le même constat qu’on doit émettre quand on se tourne du côté des partisans du boycott.

La pluralité des usages politiques du boycott

Si un travail de mise en forme permet une convergence tactique des intérêts à l’action collective en faveur du boycott, matérialisée dans le texte qui lance un appel à la mobilisation, ce sont en réalité des visions différenciées des relations entre football et politique que portent les différents partisans de ce mot d’ordre.

À la fois critique radicale et mouvement ouvert, la campagne des COBA a pu s’enraciner dans des sensibilités militantes diverses, chaque groupe, chaque militant ou simple citoyen y projetant le temps d’une mobilisation ses propres conceptions du rapport football-politique : entre les tenants d’un boycott au nom de la dissociation des ordres politique et sportif, ceux qui usent de l’opportunité de l’événement pour faire de la politique et ceux qui considèrent que le sport est par essence politique. Cette pluralité des fondements de l’engagement contribue au dynamisme de cette action collective, tout en ayant pour corollaire son évanescence.

L’usage paradoxal du boycott au nom de l’argument d’autonomie du sport

Le football, mais pas à n’importe quel prix ! Cette formule résume un peu le sens de l’engagement des tenants d’un sport préservé d’intérêts extra-sportifs. Le fondement de l’argumentation est essentiellement moral et procède du principe selon lequel certaines valeurs que le football véhicule sont supérieures au football lui-même. L’opportunité du boycott fait donc paradoxalement référence au cloisonnement entre football et politique. C’est parce que certaines vertus dont le football peut être paré sont menacées par le régime argentin qu’il s’agit de défendre une séparation stricte des univers politique et sportif, et donc d’envisager le boycott comme un mode de résolution de la contradiction. Le paradoxe apparaît dans la mesure où c’est un acte politique – le boycott – qui est in fine préconisé au nom de la référence au cloisonnement entre football et politique.

Quels sont les profils de ces « militants » d’un idéal sportif profané par son environnement ? Les inspecteurs départementaux de la Jeunesse et des Sports constituent une première figure emblématique de cette doctrine. Fréquemment anciens professeurs d’éducation physique, ils manifestent à cette occasion leur attachement à l’idée d’un sport éducatif. Cette opinion est affermie par le regard qu’ils portent sur la politique du ministère de Jean-Pierre Soisson et de ses prédécesseurs, trop centrée sur le sport de haut niveau. Cette position est clairement exprimée dans la motion votée lors du congrès syndical national réuni à Digne les 18, 19 et 20 mai 1978 :

« S’ils [les inspecteurs de la Jeunesse et des Sports] sont conscients de l’importance considérable qu’attache l’opinion publique au spectacle sportif et plus particulièrement aux rencontres internationales, ils sont également profondément convaincus que de telles manifestations sont utilisées comme outil politique, notamment par les gouvernements des États où elles se déroulent. […]

Le sport professionnel, généralement reconnu comme partie intégrante et aboutissement d’activités physiques et sportives éducatives, ne peut que se dénaturer et avilir le sport tout entier en acceptant d’être utilisé par un pouvoir qui bafoue les plus élémentaires droits de l’homme. Jouer au football, le mois prochain, en Argentine, près du centre d’incarcération de l’École Mécanique de la Marine, c’est non seulement admettre la possibilité de cohabitation du jeu et de la torture, mais c’est aussi mobiliser l’opinion publique mondiale au profit d’un spectacle sportif qui dissimulera l’oppression et le supplice, c’est accepter que l’activité sportive se mette au service d’un pouvoir totalitaire, c’est disculper la junte argentine de ses crimes. »

Dans cet appel, les inspecteurs venus à Digne prennent appui sur les conditions d’exercice de leur profession, et notamment sur leur constante relation avec le tissu sportif associatif et éducatif, pour, au nom de la conception qu’ils ont de l’éducation et de l’humanité, « adjurer les footballeurs français de ne pas participer à la coupe » et demander à leurs dirigeants « de n’exercer sur eux aucune pression et de s’abstenir eux-mêmes »[38].

Seconde figure significative de cet appel au boycott au nom des valeurs du sport : le journaliste sportif d’Antenne 2, Dominique Duvauchelle. Dans un point de vue paru dans Le Monde (3 novembre 1977) intitulé « Irons-nous en Argentine ? », il fait état des principes qui motivent sa plus grande réserve avant même que l’équipe de France ne soit qualifiée. Il s’interroge : « Le sport, école de justice et de fraternité, peut-il trouver asile dans un pays dont les dirigeants ont choisi la dictature ? ». Et de conclure : « Si nous devions consentir au silence, à l’indifférence, à la lâcheté, si cette grande fête du ballon n’était pas l’occasion de montrer notre attachement à la liberté et d’exiger celle du peuple argentin, enfin, s’il fallait s’en tenir aux seuls commentaires techniques et à l’apologie des idoles, quelle tristesse parmi nous ! ».

Chez Dominique Duvauchelle comme chez les inspecteurs de la Jeunesse et des Sports en congrès, il ne faut pas céder à l’illusion idéaliste. Il n’y a pas réellement de paradoxe ni de contradiction, mais seulement une certaine habileté dans le maniement des ressources argumentatives édifiant la particularité du cas argentin au moyen de l’universalité de références[39] telles que la justice, la fraternité, l’éducation, la liberté. Cloisonner pour mieux décloisonner : tel semble être le credo de ces partisans du boycott, conscients, eux aussi, de la réversibilité des usages politiques de l’événement sportif.

Décloisonner pour mieux mobiliser : la réversibilité de l’opportunité de l’événement footballistique

Autre mode de mise en relation du sport et de la politique repérable, celui qu’on identifie chez les initiateurs du COBA : une posture de décloisonnement total. Pour ces promoteurs, le sport n’est conçu que comme un prétexte parmi d’autres – au même titre que le congrès international de cancérologie ou les championnats du monde d’échecs organisés en Argentine à l’automne 1978 – pour dénoncer le terrorisme d’État qui sévit dans le pays. La genèse du COBA est à cet égard tout à fait explicite.

« C’est né d’un petit groupe d’environ 15 Français qui avaient vécu en Argentine et qui créèrent, à la fin de l’année 1974, un comité de solidarité avec la lutte du peuple argentin. À cette époque, notre action se limitait à la diffusion et la défense de l’information existant sur ce qui se passait en Argentine. Dénoncer par exemple la création et les crimes de la AAA[40].

Au début de l’année 1978, se sont joints à nous des gens du milieu sportif. Sociologues, journalistes sportifs plutôt critiques à l’égard de certains aspects du sport de masse en France (son utilisation politique, idéologique, etc.). Avec eux, nous avons décidé de former le COBA. Nous avons contacté la presse et les partis politiques, sans grand succès au début.[41]»

Conscients que le régime de Videla entend utiliser l’événement à des fins politiques, c’est sur ce même terrain de la politisation du football que se placent les partisans du boycott qui s’appuient donc sur la réversibilité de la stratégie de Videla. À la différence du courant de critique de l’idéologie sportive, autre constituante majeure du COBA parisien, les « Argentins »[42] du COBA dénoncent la politisation de l’événement indépendamment de toute conception des représentations des rapports entre football et politique. La carte du décloisonnement entre sport et politique est de facto jouée délibérément et complètement. De manière très prosaïque, il est possible de définir ces
« Argentins » comme des militants anti-impérialistes sur le terrain du football. L’action collective que représente le boycott de la coupe du monde de football est pour eux un moyen d’informer sur la situation en Argentine, mais aussi de stigmatiser les stratégies du régime au moyen d’argumentaires le plus souvent très solidement étayés par des informations économiques, sociales et politiques robustes. Deux propriétés sociologiques les caractérisent fréquemment : un capital scolaire élevé et un savoir-faire militant[43] éprouvé dans d’autres mobilisations anti-impérialistes[44]. Ces capitaux sont autant de dispositions reconvertibles dans l’élaboration des argumentaires en faveur du boycott. Très prosaïquement, il s’agit d’un ensemble d’acteurs que rassemble une proximité certaine avec l’extrême gauche, un même détachement relatif à l’égard de la réalité politique française –
« On avait l’impression que l’Occident allait s’effondrer et que la vérité venait de l’extérieur. Alors, on s’intéressait très peu à la politique française. La vérité était la révolution à l’extérieur » (A. Dantou) – et une forme de hasard qui les réunit en Argentine dans un premier temps, puis à Paris dans un second temps.

Là, ils décident de créer le CSLPA, « pour se souvenir de ce qui se passait là-bas parce que c’était déjà très chaud » (F. Gèze). Ce comité réduit se voue essentiellement à la diffusion de l’information existant sur ce qui se passe en Argentine. Avec un relatif insuccès pendant un temps, dans la mesure où la situation est beaucoup moins transparente qu’au Chili : répression cachée, clivages idéologiques brouillés. À l’époque, ils « prêchent dans le désert » (P. Lorino).

La politisation de l’événement est ici surtout dénoncée parce qu’elle est le fait d’un régime liberticide plutôt que comme caractéristique inhérente à l’idéologie sportive hypocritement retranchée derrière le paravent de l’apolitisme ; ce qui n’exclut pas une convergence objective d’intérêts avec les tenants de cette dernière vision des relations football-politique.

L’impossible cloisonnement : la critique de l’idéologie sportive apolitique

À l’inverse, les partisans de la démystification des relations entre politique et football développent à l’occasion de la campagne de boycott de la coupe du monde un argumentaire éprouvé pour d’autres manifestations sportives internationales : le sport est l’opium des nations. Ils l’actualisent pour le Mundial argentin de 1978 en dénonçant notamment la politisation tapie derrière l’argument d’apolitisme qu’exploitent certains tenants de la participation à l’événement.

Une des premières expressions marquantes de cet argumentaire critique se situe en 1968, dans un numéro intitulé « Sport, culture et répression » de la revue Partisans, qui illustre, exemples historiques à l’appui, les manipulations politiques dont sont l’objet les grandes rencontres sportives. Les Jeux Olympiques de Berlin en 1936 en sont bien sûr le symbole le plus fort. Cette mouvance se structure ensuite autour d’une figure de proue, Jean-Marie Brohm, d’une revue, Quel corps ?[45], et de professeurs d’éducation physique et sportive (EPS) militants de la tendance « École émancipée » de la Fédération de l’éducation nationale (FEN), qui appellent notamment au boycott des Jeux Olympiques de 1972[46].

C’est ce groupe, associé à d’autres enseignants d’EPS du SGEN-CFDT, que l’on retrouve dans les rangs des partisans de la campagne pour le boycott du Mundial argentin. Si le régime argentin est conjoncturellement visé par leurs argumentaires, plus fondamentalement, la nouvelle religion du sport est la cible de leurs critiques.

« Cette campagne doit aussi se développer contre le sport de compétition, comme spectacle de massification totalitaire, qui empêche systématiquement toutes les manifestations révolutionnaires des masses exploitées […]. Si Quel corps ?, dès le départ, s’est joint à la campagne de boycott, c’est par souci militant de dénoncer la mascarade du football comme fait social dominant des millions de travailleurs ; et ainsi de renouer avec l’internationalisme prolétarien, si dangereusement relégué aux oubliettes de l’histoire […]. Nous ne sommes pas de ceux qui disent : oui au football, non à la torture, car ce mot d’ordre est faux. Il blanchit le football en en faisant une chose isolée, une planète vierge, un monde à part.[47] »

Le propos est explicitement politique, il s’inscrit ouvertement dans le projet critique de dispenser une sociologie politique du sport[48]. L’argumentaire s’appuie conjointement sur des références théoriques marxistes et un engagement politique trotskyste. Pour les contributeurs de Quel corps ?, le sport réduit le champ de la conscience sociale quant aux situations d’exploitation et d’oppression. D’un côté, il contribue à façonner un corps purement machinique, adapté à l’accroissement du rendement du travailleur. De l’autre, il est l’opium du peuple : le spectacle sportif abrutit les masses, au même titre que la religion anesthésie les consciences. Enfin, la pratique sportive engagerait les individus dans une économie psychique répressive de sorte que le fonctionnement intime de l’individu vienne redoubler les mécanismes externes de répression des pulsions.

Il existe donc une pensée critique déjà constituée, rompue aux campagnes de boycott et autres appels anti-olympiques au nom de la lutte contre toutes les formes d’aliénation de la société capitaliste. Comme pour les « Argentins » du COBA, on retrouve ce parti pris théorique et militant de décloisonnement des univers du football et de la politique. Il s’inscrit toutefois davantage dans une logique de dévoilement de la dimension manipulatrice du discours sur le cloisonnement entre football et politique que dans un combat anti-impérialiste en Amérique du Sud. Ce sont donc plutôt des militants de la critique du sport en territoire argentin.

Militants qui, par un travail de propagande commencé bien avant le Mundial de 1978 – le n° 1 de L’Epique date de 1976 et n’est pas centré sur ce Mundial – parviennent à gagner à leur cause un bon nombre des enseignants d’éducation physique proches du courant « École émancipée » ou du SGEN-CFDT, ceux qui s’opposent à la sportivisation de l’éducation physique scolaire et affichent leur distance avec le PCF, très influent chez leurs collègues du Syndicat national de l’éducation physique (SNEP)[49]. Ce sont ces professeurs d’EPS qui servent alors de relais pour collecter « le gros des signatures (lycéens et enseignants) pour amorcer la pompe »[50] des pétitionnaires.

Ce n’est qu’un début, continuons le COBA ! ?

Le mot d’ordre de boycott ne prend du reste pas fin avec le Mundial 78. Avant son achèvement, Moscou est déjà dans la ligne de mire. L’idée est d’organiser des « Jeux de la répression et des dissidences » dans le Larzac en même temps que les JO de Moscou. De même, on projette de mettre sur pied
 « un regroupement unitaire permanent, une sorte de centre de réflexion et d’initiative, sur toutes les grandes rencontres sportives internationales, publiant un matériel régulier d’information et de propagande (L’Épique par exemple) à propos des événements sportifs marquants »[51]. Pour autant le COBOM (Collectif pour le boycott de Jeux Olympiques de Moscou) ne sera pas une réplique du COBA[52].

Le COBA peut se concevoir comme une expérience d’hybridation, une rencontre de sensibilités militantes différentes sur le terrain du football regroupant, outre les « Argentins » du CSLPA, l’École Emancipée, Quel corps ?, des militants de la Ligue communiste révolutionnaire, du SGEN-CFDT, de l’Organisation communiste des travailleurs, du Parti socialiste unifié, des journaux comme Rouge, Le Quotidien du Peuple, Libération, et ceux que Quel corps ? nomme « des inorganisés ». L’alchimie ne tient toutefois que le temps d’une mobilisation contre un « Munich sportif ». Les éléments de bilan de cette action collective dressés par les auteurs eux-mêmes ne cachent d’ailleurs pas leur scepticisme sur la pérennité de cette convergence historique de préoccupations militantes. Comme l’écrit Daniel Denis, en plein Mundial, « il y a fort à craindre même que le CSLPA se retrouve très vite à son stade de départ, soit un petit noyau militant […] et que la critique du sport [soit] à nouveau isolée d’une dynamique de masse »[53]. Du reste, ce document sur le bilan et les perspectives du COBA comporte deux parties bien distinctes : la campagne de solidarité avec le peuple argentin, d’une part ; la critique de l’institution sportive, d’autre part. Pour l’essentiel, les « Argentins » quittent le terrain sportif tandis les militants de la critique du sport abandonnent le territoire argentin. La mobilisation politique en faveur du boycott s’est enracinée sur un interstice, à l’instar d’un de ses mots d’ordre : « Pas de football entre les camps de concentration ».

Des usages de l’événement aux usages du cloisonnement

L’espace des argumentations disponibles face à la perspective de boycott d’un événement sportif pourrait sembler relever de l’évidence : on aurait d’un côté ceux qui se refusent au boycott au nom d’un cloisonnement entre les ordres politique et sportif et de l’autre ceux qui le soutiennent au nom du lien possible, voire inextricable, entre ces deux ordres.

L’intérêt du Mundial argentin est toutefois précisément de mettre en crise ces lignes de partage a priori évidentes. Dans cette occurrence, du fait de l’ambivalence des usages de l’événement par les militaires argentins qui, tout en dénonçant les boycotteurs et leur politisation, assument en retour pleinement une forme propre de politisation, les prises de position quant au boycott ne recoupent pas cette opposition entre une conception par principe apolitisée et une conception politisable du football. À l’inverse, on se trouve en présence d’un espace des argumentations chiasmatique dans lequel on repère dans chaque camp des partisans du cloisonnement et du décloisonnement entre les univers politique et sportif. Un espace dans lequel la position qu’occupe chacun des protagonistes doit être rapportée non seulement à la concurrence entre les camps, mais aussi à des formes de concurrence au sein de chaque camp, à une configuration spécifique et au processus de développement de la polémique [54] (cf. Schéma n° 1).

En ce sens, la frontière entre espace politique et espace sportif ne relève ni d’une question de fait ni d’une question de représentations fixées a priori. Elle est une construction sociale qui dépend de la manière dont elle est investie par ceux qui ont des intérêts à l’investir selon des logiques propres dans une configuration donnée. Il ne s’agit donc pas pour le chercheur de se demander si ou quand sport et politique constituent des ordres séparés, mais plutôt qui, comment et dans quelle configuration, contribue à leur constitution comme ordres séparés ou autonomes[55] Le cas des mots d’ordre en faveur d’un boycott des JO de Pékin en a offert une nouvelle illustration.


[1]  F. Lafage, L’Argentine des dictatures 1930-1983. Pouvoir militaire et idéologie contre-révolutionnaire, Paris, L’Harmattan, 1991, p. 112. D. Quattrocchi-Woisson (dir.), Argentine, enjeux et racines d’une société en crise, Paris, Tiempo, 2001.

[2]  P. H. Lewis, Guerrillas and Generals : The ‘dirty war’ in Argentina, Westport, Conn., Praeger, 2002.

[3]  Extrait du rapport de l’agence, cité par D. Denis, Aux chiottes l’arbitre, Supplément à Politique Aujourd’hui, juin 1978, p. 79.

[4]  E. Fernandez Moores, « Fallait-il aller au Mundial de 1978 ? », Enjeux internationaux (Bruxelles), dossier « Tourisme et dictatures », été 2007, p. 47 et 49 ; X. Breuil, Enjeux politiques de la coupe du monde de football 1978 en Argentine. Études des mouvements de boycott en France et en Europe, mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Metz, 2000, p. 20 -21 ; R. Raanan et E. Davidi, « Sport, Politics and Exile : Protests in Israel during the World Cup (Argentina, 1978) », International Journal of the History of Sport, avril 2009, p. 673-692.

[5]  O. Compagnon, « Un boycott avorté : le Mundial argentin de 1978 », in P. Artières et M. Zancarini-Fournel (dir.), 68. Une histoire collective (1962-1981), Paris, La Découverte, 2008, p. 699 ; P. Dietschy, Y. Gastaut et S. Mourlane, Histoire politique des Coupes du Monde de football, Paris, Vuibert, 2006, p. 150-153 ; X. Breuil, Enjeux politiques de la coupe du monde…, op. cit., p. 17.

[6]  Rouge, 15 février 1978 ; cité par X. Breuil, Enjeux politiques de la coupe du monde…, op. cit., p. 27.

[7]  J. Meynaud, Sport et politique, Paris, Payot, 1966.

[8]  Voir, parmi les travaux historiques, P. Arnaud, Le militaire, l’écolier et le gymnaste. Naissance de l’éducation physique en France. 1869-1889, Lyon, PUL, 1991 ; M. Amar, Nés pour courir. Sport, pouvoirs et rébellions 1944-1958, Grenoble, PUG, 1987. Parmi les sociologues, J.-M. Brohm, La Tyrannie sportive. Théorie critique d’un opium du peuple, Paris, Beauchesne, 2006 ; J.-P. Clément, J. Defrance, C. Pociello, Sport et pouvoirs au XXème siècle, Grenoble, PUG, 1994.

[9]  Voir entre autres R. Levermore, A. Budd (eds.), Sport and International Relations : an Emerging Relationship, Londres, Routledge, 2004 ; P. Arnaud et J. Riordan, Sports et relations internationales (1900-1941) : les démocraties face au fascisme et au nazisme, Paris, L’Harmattan, 1998.

[10]  N. Elias et E. Dunning, Quest for Excitement, Sport and Leisure in the Civilizing Process, Oxford, Basil Blackwell, 1986 ; traduit sous le titre Sport et civilisation. La violence maîtrisée, Paris, Fayard, 1994.

[11]  J.-L. Chappelet, Le système olympique, Grenoble, PUG, 1991 ; J. Defrance, « La politique de l’apolitisme », Politix, juillet 2000, p. 13-27.

[12]  Archives de la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (BDIC), fonds du COBA référencé par Marina Franco, cote F ? 1831 (1) – (8). Versements de correspondances, de notes internes, de documentation en français et en espagnol, de photographies, etc. de François Gèze, Daniel Denis, Alain Dantou, consultables depuis 2005. L’inventaire du fonds est présenté en détail : http://www.bdic.fr/pdf/Fonds_COBA.pdf. Archives Nationales du Monde du Travail (Roubaix), fonds CFDT, UD Pas-de-Calais, UR Nord-Pas-de-Calais, répertoire 1994024 Cote 0424 : Actions contre la situation en Argentine à l’occasion de la coupe du monde de football, juin 1978. Pour le contenu détaillé, voir http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/camt/fr/inventaires1994/1994024-11.html.

[13]  Entretiens avec Daniel Denis, François Gèze, Alain Dantou et Philippe Lorino, mai 2005.

[14]  Sur les sondages comme mode de construction de l’opinion publique, voir P. Champagne, Faire l’opinion, Paris, Minuit, 1990, p. 134 et suiv. En l’occurrence, on comprend combien la formulation des items alternatifs tend à faire souscrire au registre apolitique tous ceux qui se refusent au boycott.

[15]  Sur la « footballisation de la politique », cf. P. Mignon, « ‘Footballisation’ de la politique ? Culture du consensus et football en Grande-Bretagne », Politix, juillet 2000, p. 49-71.

[16]  Sur cette distinction, voir B. Klandermans, « Mobilization and Participation : Social-Psychological Expansions of Resource Mobilization Theory », American Sociological Review, 49 (5), 1984, p. 586-587.

[17] Archives BDIC, F ? 1831 2 (1), Lettre au COBA, 12 janvier 1978.

[18]  M. Franco, El exilio. Argentinos en Francia durante la dictadura, Buenos Aires, Siglo XXI, 2008.

[19]  On ne saurait donc dire qu’au Parti Socialiste « la question du boycott […] ne donna jamais matière à une quelconque prise de position à l’encontre du Mundial » (O. Compagnon, « Un boycott avorté … », art. cit., p. 699).

[20]  Archives BDIC, fonds COBA, F ? 1831 2 (1).

[21]  Archives BDIC, fonds COBA, F ? 1831 2 (1).

[22]  On aurait pu mener une analyse homologue sur les dilemmes rencontrés par les journalistes sportifs. Pour une esquisse d’étude dans cette optique, cf. B. L. Smith, « The Argentinian Junta and the Press in the Run-up to the 1978 World Cup », Soccer and Society, 3 (1), printemps 2002, p. 69-78 et X. Breuil, Enjeux politiques de la coupe du monde…, op. cit., p. 103 et suiv. Il est du reste symptomatique que l’un des rares journalistes sportifs à s’être mobilisé, sans jamais pour autant appeler au boycott, ait un parcours très spécifique. Alain Leiblang, auteur d’un des rares comptes rendus critiques post-coupe du monde ( A. Leiblang, Une balle dans la tête, Paris, Éditions des autres, 1978), avait en effet participé à l’occupation des locaux de la Fédération française de football en mai 1968 alors qu’il était étudiant à l’École supérieure de journalisme de Paris (F. Mahjoub, A. Leiblang et F.-R. Simon, Les enragés du football : l’autre mai 68, Paris, Calmann-Lévy, 2008). Il a ensuite participé à la fondation du quotidien Libération avec, du reste, certains des « Argentins » de la mobilisation de 1978 comme François Gèze (cf. supra). Il ne devient journaliste sportif qu’ensuite, en fondant le magazine Onze dont il est le rédacteur en chef au moment de la coupe du monde et qu’il contribue à positionner dans l’espace des magazines de football en se positionnant lui-même. Il est aujourd’hui un des proches collaborateurs de Michel Platini en tant que chef de presse dans le département communication de la FIFA.

[23]  J. Defrance, « La politique de l’apolitisme », art. cit.

[24]  S. Fleuriel et M. Schotté, La condition des travailleurs sportifs, Broissieux, Editions du Croquant, 2008.

[25]  P. Lanfranchi et A. Wahl, Les footballeurs professionnels des années trente à nos jours, Paris, Hachette, 1995.

[26]  D. Gaxie, Le cens caché, Paris, Le Seuil, 1978. Pour une illustration, cf A. Wahl, Les archives du football. Sport et société en France 1880-1980, Paris, Gallimard-Julliard, 1989, p. 296-297.

[27]  M. Olson, Logique de l’ action collective, 2e éd., Paris, PUF, 1987.

[28]  D. Chong, Collective Action and the Civil Rights Movement, Chicago, Chicago University Press, 1991.

[29]  Seuls deux footballeurs suédois vont aller au bout de cette logique en ne se rendant pas au Mundial pour des raisons politiques.

[30]  D. Rocheteau, On m’appelait l’ange vert, Paris, Le Cherche midi, 2005, p. 145 et suiv. On retrouve ce même cheminement, de manière un peu moins détaillée, dans une interview qu’il accorde en plein Mundial à Alain Leiblang (Une balle dans la tête, op. cit., p. 153 et suiv.).

[31]  Dans son autobiographie, D. Rocheteau rappelle sa proximité marquée avec la Ligue communiste révolutionnaire (p. 146), qui lui valut l’ire du président de son club de l’époque, Roger Rocher (A. Wahl, Les archives du football …, op. cit., p. 297).

[32]  Cité in A. Leiblang, Une balle dans la tête, op. cit., p. 157.

[33]  Songeons aux trois joueurs brésiliens qui, pour s’être engagés, ont été exclus pendant un temps de leur sélection ou encore aux joueurs de la RFA, Sepp Maier et Paul Breitner, qui prirent publiquement position.

[34]  P. Dietschy, Y. Gastaut, S. Mourlane, Histoire politique des coupes du monde…, op. cit., p. 161-162.

[35]  Archives BDIC, fonds COBA, Document interne – Bilan de la campagne, F ? 1831 -3 (1).

[36]  J. Defrance, « La politique de l’apolitisme », art. cit., p. 26 et suiv.

[37]  Archives BDIC, COBA, F ? 1831 -3 (1), Document interne – Bilan de la campagne.

[38]  Archives BDIC, COBA, F ? 1831 (2) (1), dossier : Relations CFDT et syndicats : correspondance, documents, tracts.

[39]  L. Boltanski, en collaboration avec Y. Darré et M.-A. Schiltz, « La dénonciation », Actes de la recherche en sciences sociales, mars 1984, p. 3-40 ; L. Boltanski et L. Thévenot, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991 ; et plus récemment, L. Boltanski, E. Claverie, N. Offenstadt, S. Van Damme (dir.), Affaires, scandales et grandes causes. De Socrate à Pinochet, Paris, Stock, 2007.

[40]  Alliance Anticommuniste Argentine, ou triple A, mise sur pied à la fin de l’année 1973 par José López Rega, ministre du Bien-être social de Juan Domingo Perón.

[41]  Archives BDIC, COBA, F ? 1831 (2) (3) (a), dossier : Coupures de presse argentine. Interview de François Gèze, Humor, n° 125, avril 1984, p. 62-68. Sauf mention contraire, nous sommes responsables de toutes les traductions de l’espagnol et de leurs insuffisances.

[42]  Nous les avons identifiés de la sorte du fait de la force de leurs liens tangibles avec le pays et son peuple : compagnes argentines, séjours prolongés en qualité de coopérants, liens durables avec les opposants au gouvernement. Notons en retour que les exilés argentins n’ont participé que marginalement à cette mobilisation. Cf. M. Franco, « Les Argentins et la France des années 1970. Droits de l’homme et solidarité », Hommes & migrations, n° 1270, 2007, p. 20-31.

[43]  F. Matonti et F. Poupeau, « Le capital militant. Essai de définition », Actes de la recherche en sciences sociales, décembre 2004, p. 5-11.

[44]  Le COBA était hébergé rue de Nanteuil au siège du CEDETIM (centre d’études anti-impérialistes). Sur le CEDETIM, A. Zerouali, « Le CEDETIM, de la ‘coopération rouge’ à l’altermondialisme », in P. Artières et M. Zancarini-Fournel (dir.), 68. Une histoire collective (1962-1981), op. cit., p. 559-565.

[45]  J.-P. Escriva et H. Vaugrand (dir.), L’opium sportif, la critique radicale du sport de l’extrême gauche à Quel corps ?, Paris, L’Harmattan, 1996.

[46]  Voir le bulletin spécial de L’école émancipée, octobre-novembre 1972.

[47]  « À bas le Mundial, vive l’internationalisme prolétarien », Quel corps ?, 1er mai 1978, p. 3.

[48]  Il s’agit d’ailleurs précisément du titre de la thèse d’État de J.-M. Brohm : J.-M. Brohm, Sociologie politique du sport, Université de Paris VII, 1977.

[49]  Cf. M. Attali et B. Caritey (dir.), Le SNEP, une histoire en débat, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2005.

[50]  « Dossier Argentine », Quel corps ?, mars 1978, p. 45.   

[51]  Archives BDIC, COBA, F ? 1831 -3 (1). D. Denis, Document interne, « Après le Mundial, quelles perspectives ? ».

[52]  L. Acharian, Jeux Olympiques de Moscou (1980) et relations internationales dans la presse française, mémoire de maîtrise d’histoire, Université Paris I, 1996.

[53]  Archives BDIC, COBA, F ? 1831 -3 (1).

[54]  Idéalement, il aurait donc fallu mener une analyse spécifique de chacun des espaces dans lesquels s’opèrent des prises de position pour comprendre leurs logiques propres ; tâche qui excède le cadre de cet article compte tenu de la multiplicité des univers impliqués.

[55]  Pour une réflexion parente concernant les rapports entre religion et politique, cf J. Lagroye, B. François et F. Sawicki, Sociologie politique, Paris, Presses de Sciences Po et Dalloz, 2002, p. 59 et suiv.

Schéma n° 1 : Espace des prises de positions en matière de boycott et de rapports sport/politique

Tracts des organisations d’argentins exilés en France

Tract de la COBA

Affiches du COBA

L’Epique

Manif du COBA à Toulouse le 11 mai 1978 à l’occasion du match France-Iran

Reprise de l’appel du COBA au boyccot du Mundial dans la presse de la CNT-AIT

Espoir CNT-AIT, numéro 818, 29 mai au 4 juin 1978 : reprise en une de l’appel au boycott de la COBA
Epoir CNT-AIT numéro 819, 8 au 11 juin 1978
Affiche de la CNT-AIT de Grenoble, inspirée des affiches du COBA mais en ajoutant le parallèle avec les Jeux Olympiques de Moscou 1980
Videla : si mi equipo no es campeón del mundo, los encierro a todos en un campo de concentración, además, hago fusilar al árbitro (Videla : si mon équipe n’est pas championne du monde, je les enferme tous dans un camp de concentration, et en plus je fais fusiller l’arbitre). (pages en espagnol d’Espoir CNtA6IT, numéro 819)

Epoir CNT-AIT numéro 821, 19 au 25 juin 1978

La campagne de boycott dans d’autres pays

ESPAGNE (CNT-AIT, Syndicat du spectacle, section « sport »)
BELGIQUE : COBRA

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