Le foot, opium du peuple (Federica MONTSENY)

Si la religion est l’opium du peuple, selon la définition de Karl Marx, il faut aujourd’hui ajouter un complément à cette phrase historique : les religions sont passées au second plan, dans cet art d’endormir le peuple et de le détourner de tout objectif révolutionnaire. Le capitalisme a trouvé quelque chose de mieux, qui a prouvé son efficacité depuis plus d’un demi-siècle.

Le principe est vieux comme le Pouvoir. C’était déjà le procédé utilisé par les empereurs romains, qui utilisaient les « Panem et circenses » pour distraire les masses, leur offrant des combats de gladiateurs et l’immolation des chrétiens.

Aujourd’hui, les footballeurs ne risquent pas leur vie, mais les masses hurlantes se rassemblent dans les stades. Franco a pris soin de cultiver avec amour la distraction par le sport, ce qui a permis aux Espagnols de se lâcher en criant et en donnant des coups de pied. Hitler et Mussolini ont fait de même, et tous les gouvernants du monde font de même, les plus réactionnaires étant les plus enthousiasmés, même si cela n’a rien à voir avec [l’amour du] sport.

La confirmation de tout cela est la Coupe du monde qui se déroule en ce moment Espagne. Tous les stades ne sont pas remplis, car la crise économique ne le permet pas. Mais ceux qui ne peuvent pas aller en Espagne et ceux qui ne peuvent pas aller dans les stades en Espagne même, passent des heures à regarder les matchs à la télévision, qui est la deuxième partie de l’opium. Les actes publics organisés par les partis politiques ou organisations en Espagne ne sont pas remplis. C’est peut-être encore la CNT-AIT qui a le plus grand pouvoir de convocation. Mais il n’y a pas de match de foot qui ne réussisse à rassembler des milliers de personnes. Le cirque « du pain et des jeux » continue d’être efficace et le nouvel opium du peuple a fait ses preuves. Vaut il mieux remplir un stade qu’une Eglise ? Indubitablement. Mais il vaudrait mieux remplir les différents terrains de sport d’amateurs de culture physique, pas d’amateurs d’un nouveau nationalisme qui dépensent leur argent à regarder 22 hommes taper dans un ballon.

Pratique du sport oui. Business et exacerbations d’un nationalisme enfantin et morbide, non. Avec cela, nous ne faisons rien d’autre que tomber dans le piège tendu par le capitalisme et le Pouvoir, de quelque couleur qu’il soit, noir, blanc ou rouge.

Federica MONTSENY

Espoir numéro 1006, 14 juillet 1982

Je préfère qu’ils nous mettent un paquet de buts plutôt qu’ils nous donnent un nouveau coup d’Etat

Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑